Pourquoi dois-je toujours tenir compagnie aux gens qui ne me conviennent pas de par leur personnalité trop exubérante ? Pourquoi se sentent-ils obligés de me faire sentir que je suis de mon côté trop réservée ? Ma parole, jamais je ne pourrai rencontrer quelqu'un qui soit parfait avec moi.
En réalité, je viens de passer la soirée avec une fille très... Comment dire... Etrange. Je l'ai rencontrée tout à fait par hasard à la piscine, cet après-midi. Elle était sur le transat voisin, et mine de rien, elle lisait mon livre, "Premier désir", d'un air absorbé. Quand elle a tourné la tête vers moi, et qu'elle a utilisé la quatrième de couverture pour vérifier que c'était bien moi sur le transat à côté du sien, je n'ai pu m'empêcher de rire. Non pas pour me moquer d'elle, non, seulement parce qu'elle était amusante avec ses yeux tout ronds et sa bouche grande ouverte. Elle m'a complimentée sans retenue, j'ai beaucoup apprécié tout ce qu'elle m'a dit, mais je n'étais pas sûre qu'elle ait compris le sens de mon récit, au vu de ses commentaires... J'ai fait mine de n'avoir rien relevé, et nous avons fait connaissance. Elle était venue seule également, dans l'espoir de rencontrer l'amour de sa vie, les croisières l'inspiraient beaucoup, m'a-t-elle révélé. Elle était modèle photo, et avait voulu faire un break. Je me suis dit qu'en en apprenant un peu plus sur elle, je pourrai trouver un sujet de nouvelle, par exemple une vieille mannequin qui se souviendrait de ses déboires de jeunesse, ou quelque chose du genre. J'aime les histoires dramatiques. Ca donne un côté intéressant à la chose.
Après cet après-midi de discussion, elle m'a donc invitée à venir la rejoindre au restaurant afin qu'on dîne ensemble, et pourquoi pas aller danser à la discothèque du bateau un peu plus tard. J'étais d'abord emballée, l'idée d'une nouvelle amie me plaisait énormément, mais je me suis rendue compte qu'elle ne me correspondait pas tellement... Elle riait fort, pendant le repas, et les gens autour de nous n'arrêtaient pas de se retourner. Je me sentais complètement étouffée par ses sourires, jusqu'à ce qu'elle me fasse du rentre-dedans et accentue encore plus mon malaise. Ah, donc elle était bisexuelle. J'ai beau ne pas dire non à ce genre de rencontre, elle ne me donnait pas du tout envie d'aller plus loin... J'ai fait semblant de ne me rendre compte de rien, même si c'était assez évident. L'amour de sa vie, m'avait-elle dit cet après-midi, sans préciser si elle comptait tomber sur un homme ou une femme. En conclusion : non, elle ne me plaisait pas du tout. J'avais l'impression de retrouver mes années passées, avec ces hommes plutôt insistants qui me voulaient. Revivre ça avec une femme était amusant, mais également très dérangeant. J'ai tout fait pour accélérer le repas afin d'être dehors, sur le pont, à prendre l'air, avant vingt-trois heures. Ca a marché, à mon grand contentement. J'ai prétexté un mal de tête affreux, lui ai promis qu'on se reverrait, lui ai même donné mon numéro en guise de bonne foi, ai payé ma note et me suis enfuie.
Je n'ai même pas le courage de sortir sur le pont, mes pieds me mènent directement au cabaret, là où je sais que je ne risque de rencontrer personne vu l'heure, le restaurant est en pleine heure de pointe. Je fais mal de boucan avec mes talons, un peu complexée dans ma robe de soirée. J'ai noué mes cheveux en un chignon sur ma nuque, je savais que j'allais avoir chaud ; ça n'a pas loupé, j'ai donc bien fait. Arrivée au cabaret, je me dirige doucement vers le bar. L'ambiance est assez sombre, le spectacle ne va pas tarder à commencer, mais à vrai dire je ne suis pas vraiment venue aussi instinctivement uniquement pour voir des femmes et des hommes jouer la comédie en chanson. Je suis seulement venue pour me détendre, avaler un verre ou deux, et retourner dans ma cabine avec le sentiment d'avoir passé une journée disons "normale". Un mouvement attire mon attention sur la droite, je tourne la tête en continuant à avancer. Ah, c'est juste un homme qui fait mine d'imiter une des personne du spectacle qu'il a dû voir un des soirs précédents. Soudain, je sens quelque chose de pas mal froid et collant couler sur mon bras et le long de mon buste. Ca m'apprendra à mettre des décolleté, voilà qu'un jeune homme s'est retourné devant moi sans faire attention, en m'offrant une bonne douche de... whisky. L'odeur ne me trompe pas.
Merci, c'est juste ce dont j'avais besoin pour me sentir bien... je lance sarcastiquement en secouant mon bras dégoulinant, et en secouant le devant de ma robe, me moquant complètement que cela révèle une partie de mon anatomie. Vous ne pouviez pas regarder ? j'ajoute sur un ton moqueur.